1 : La découverte du Sceau
Je n’oublierai jamais cette nuit froide et silencieuse dans mon bureau de l’Université Miskatonic, lorsque l’inattendu fit irruption dans mon existence paisible. J’avais souvent entendu des murmures sur des mystères occultes, mais jamais je n’avais imaginé qu’un jour je me retrouverais pris dans un tourbillon d’horreurs, guidé par une force bien au-delà de ma compréhension.
Ce soir-là, tandis que je parcourais des manuscrits poussiéreux à la lueur d’une lampe chancelante, une enveloppe apparut sous ma porte, glissée par une main inconnue. Sa simple présence émanait un étrange malaise. Lorsqu’enfin j’osai briser le sceau de cire, je découvris des mots griffonnés d’une main tremblante, mentionnant le “Sceau de Nyarlathotep” et un lieu maudit appelé Innsmouth. Ce nom avait une résonance sinistre ; une vague de froid sembla envahir la pièce, et une peur sans raison commença à grandir en moi.
Mes recherches cette nuit-là furent approfondies. Je savais que pour comprendre davantage, je devais consulter le professeur Armitage, un éminent spécialiste en occultisme et l’un des rares érudits à maîtriser des textes anciens interdits. Dès le lendemain, nous nous rendîmes à la bibliothèque pour consulter un ouvrage aussi insaisissable que dangereux : le Necronomicon. Dans ces pages sombres, nous découvrîmes des récits d’entités insidieuses et des avertissements décrivant le Sceau de Nyarlathotep comme une clef vers des dimensions cauchemardesques. Armitage m’avertit alors avec insistance : toute recherche approfondie sur ce Sceau pourrait attirer l’attention d’entités dont la simple pensée effrayait même les plus téméraires.
Malgré tout, un feu irrépressible de curiosité s’était allumé en moi, et rien ne pouvait m’arrêter. La décision fut prise : nous irions à Innsmouth, cette ville où le secret semblait plus dense que la brume qui l’entourait. Le voyage en voiture fut long, chaque mile renforçant en moi une étrange appréhension. La brume épaisse qui enveloppait Innsmouth ajoutait à l’atmosphère lugubre de cette ville côtière abandonnée. Les bâtiments délabrés, l’odeur âcre de la mer et les regards furtifs de ses habitants firent naître en moi une méfiance instinctive. Je sentais que chaque pierre, chaque fenêtre obscure, dissimulait des secrets anciens.
En cherchant à en savoir plus, nous entendîmes parler d’un certain Zadok Allen, un vieillard réputé pour ses récits incohérents mais étrangement captivants. Intrigués, nous l’approchâmes dans les ruelles du port, et je lui tendis une bouteille pour délier sa langue.
Zadok, titubant, se mit alors à murmurer des histoires terrifiantes sur des créatures marines et un pacte millénaire qui liait les habitants d’Innsmouth aux Profonds, des êtres venus des abîmes, adorateurs de Nyarlathotep. Ses propos épars semblaient tout droit sortis d’un cauchemar. “La mer prend des vies,” balbutia-t-il, “et les gens d’ici… ils portent en eux le sang des Profonds.” Zadok nous mit en garde contre le Sceau, nous assurant que toucher cet objet sacré nous mènerait à la folie.
Guidés par ces sombres avertissements, mais poussés par une curiosité morbide, Armitage et moi décidâmes d’explorer les profondeurs de la ville. Zadok nous conduisit à l’entrée d’un réseau de tunnels secrets, dissimulés sous les bâtiments en ruines près du port. Les passages souterrains exhalaient une odeur de sel rance et de moisissures, et les murs étaient gravés de symboles inquiétants. Nous progressions en silence, une lourde tension pesant dans l’air, jusqu’à atteindre une vaste caverne souterraine.
Là, dans l’obscurité, nous vîmes le Sceau de Nyarlathotep, posé sur un autel de pierre brute, entouré d’ombres grotesques et miroitantes – des créatures que j’identifiai avec horreur comme étant les Profonds. Elles étaient rassemblées autour de l’autel, murmurant des incantations dans une langue gutturale. L’air semblait vibrer sous le poids de leur rituel, et un instant, je crus entendre une voix appeler mon nom depuis les tréfonds de la terre.
Dans un élan de folie, je m’approchai de l’autel, recouvrant rapidement le Sceau d’un tissu pour dissimuler son aura oppressante avant de le glisser dans mon sac. Mais une intuition me disait que notre présence avait été détectée.
En un geste désespéré, je dégoupillai une grenade – une précaution que j’avais jugée sage d’emporter – et la lançai au milieu de la caverne. La détonation fit exploser le silence dans une gerbe de lumière et de poussière, projetant les Profonds dans une confusion totale.
Profitant du chaos, Armitage et moi fîmes demi-tour et courûmes vers la sortie. L’écho de l’explosion résonnait dans les tunnels alors que nous remontions à la surface, haletants mais indemnes, avec le Sceau à notre possession. Après cette évasion rocambolesque, nous fîmes le trajet retour sans un mot, hantés par le souvenir des créatures et la certitude que nous avions déclenché des forces qui nous dépassaient.
De retour à Miskatonic, nous enfermâmes le Sceau dans les archives, au cœur des réserves anciennes, avec la promesse de ne plus jamais le manipuler. Mais l’esprit humain est friand de savoirs interdits, et un feu sombre brûlait désormais en moi, alimenté par cette expérience impie et les secrets entrevus.
Épisode 2 : L’Appel de Nyarlathotep
Les mois passèrent, mais le souvenir de cette nuit maudite refusait de s’effacer. Chaque nuit, je revoyais ces cités cyclopéennes englouties sous les flots, ces êtres monstrueux aux regards vitreux. Mon esprit se consumait dans une obsession : le Sceau renfermait des vérités inimaginables, un pouvoir qui appelait à être compris. La peur s’effaça peu à peu, laissant place à une faim inextinguible pour ces mystères.
Je décidai finalement de retourner aux archives, convaincu qu’il me fallait affronter ce Sceau, plonger dans son savoir et dompter ses secrets. J’en parlai à Armitage, et bien qu’hésitant, il finit par céder, séduit par les promesses de connaissance infinie. Ensemble, nous descendîmes une nouvelle fois vers les réserves anciennes.
Lorsque j’ouvris le coffre contenant le Sceau, une onde de pouvoir traversa la pièce. Le Sceau semblait respirer, vivant, comme s’il n’avait attendu que ce moment pour se révéler. Ignorant les avertissements d’Armitage, je posai ma main dessus, prêt à me perdre dans ses mystères. Instantanément, des visions de cités englouties et de créatures cyclopéennes envahirent mon esprit. Une voix sourde, profonde, se glissa dans mes pensées, me promettant savoir et puissance si je m’abandonnais à elle.
Les avertissements d’Armitage s’effacèrent dans le lointain ; j’étais connecté à Nyarlathotep lui-même, une figure mouvante et insaisissable qui semblait se nourrir de mes souvenirs.
Mon esprit fusionnait avec le sien, et je sentais les secrets du cosmos s’ouvrir devant moi. Dans cette transe, une révélation apparut : il me fallait des disciples, des âmes prêtes à accepter ce savoir interdit.
Au fil des semaines, je formai un cercle de fidèles parmi les érudits de Miskatonic, attirés par l’attrait de l’occulte.
Je leur révélais des rituels, des incantations, des visions d’un autre monde. Ils étaient fascinés, hypnotisés par ce pouvoir qui les dépassait. Armitage, mon premier disciple, les guida dans leur initiation. Mon cercle était né, et avec lui, la promesse d’un rituel ultime.
Nous nous rendîmes un soir à Yggsmouth, une clairière mystique entourée de monolithes anciens. Là, dans le brouillard épais, je préparai mes disciples pour le sacrifice. Leur essence, leurs âmes, allaient être offertes à Nyarlathotep en échange d’une récompense inespérée : l’immortalité. Tandis qu’ils récitaient les incantations que je leur avais enseignées, une silhouette sombre apparut parmi les brumes, un être aux tentacules ondulants – Nyarlathotep lui-même.
Un par un, mes disciples tombèrent, absorbés par cette force ancienne, tandis que je m’abandonnais à ce rituel interdit. Je sentis un pouvoir nouveau envahir mon corps, une immortalité maudite qui transcendait mon humanité. Mais la vérité me frappa comme une lame glaciale : j’étais devenu un émissaire de Nyarlathotep, un serviteur condamné à le suivre, à exécuter sa volonté dans l’ombre des mondes. Ma liberté s’était consumée dans ma quête de puissance.
Ainsi, je devins l’ombre de ce dieu impie, mon existence liée aux secrets des Dieux Anciens. Un avertissement pour ceux qui, comme moi, oseraient franchir les limites du savoir interdit.